Gérard ESCOUBEYROU a bien cru sa dernière heure arrivée hier en fin d’après-midi, alors que la battue organisée par l’Association Landaise des Chasseurs de Grands Gibiers touchait à sa fin. Bouleversé en même temps qu’ému, le trappeur a même décidé de remiser fusil et cartouches au placard, semble-t-il pour toujours.
Retour sur cet incroyable épisode, commenté par Gérard. « Il a plu tout l’après-midi hier. Plutôt que de repartir directement en forêt, on est restés avec quelques collègues au refuge, le temps de goûter la gnôle à la pêche de vigne que Robert, qui distille dans son village, avait amené pour fêter les 9 ans de sa chienne. On est ressortis vers 16h, remontés comme des pendules et décidés à en découdre avec le gibier ! Arrivés sur une clairière, j’ai glissé dans une flaque d’eau après quelques mètres et je me suis retrouvé nez-à-nez avec un sanglier. Putain de moine, je me suis vu y passer. J’ai gueulé comme un sourd mais les collègues étaient eux aussi tombés comme des mouches ».
C’est alors que Saint-Hubert, patron des chasseurs, a choisi de venir au secours de notre infortuné retraité, son intercession prenant les traits de Jérôme « El Pibalou » CAZENAVE, jeune novillero (NDLR : apprenti matador) en vacances chez sa grand-mère, Lucienne, à GRENADE (40). N’écoutant que sa déjà légendaire intrépidité, le grenadois, parti s’oxygéner en forêt, accourt et découvre l’ami ESCOUBEYROU en bien mauvaise posture. Il se lance alors dans une faena de légende, face à au sanglier plus apeuré que vraiment agressif.
Défait de son anorak devenu cape et muleta de circonstance, le petit CAZENAVE reçoit alors l’animal a porta gayola (NDLR : agenouillé) sur un nid d’épines de pin pour alterner chicuelinas et derechazos face à une bête peu avare de charges héroïques. Quelques branchages de bois vert seront autant de banderilles, plantées sous les « olés » des autres chasseurs requinqués par un tel spectacle.
Passant à la main gauche, celle des naturelles et de la vérité, le Pibalou réclame la musique qui finit par retentir, Gérard, une fois l’appeau à chevreuil porté à ses lèvres, entamant un de ces paso doble sur lesquels El Cordobes conquit jadis le cœur des exigeantes arènes madrilènes.
Pour finir, un petit coup sur le museau du bestiau, qui s’avoue vaincu en s’enfonçant dans le bosquet, scelle le triomphe de Jérôme. Lequel, empli d’orgueil, de se fendre d’une vuelta (NDLR : tour d’honneur) autour de la clairière !
Fasciné par la communion momentanée entre l’homme et la bête dans une nature intacte mais également inquiet au regard de son bilan sanguin, Gérard a donc choisi de mettre une parenthèse définitive à son plus vieux loisir. « J’avais lu cette histoire de Léonard GRATTADOUR (NDLR du 21 novembre 2013), celui qui chasse la palombe à mains nues, dans vos colonnes. J’ai décidé à mon tour de me consacrer à la faune. J’ai construit un abri à sanglier au fond de mon jardin au cas où l’un d’eux serait dans le besoin ».
Le jeune CAZENAVE n’a pu répondre à nos questions. Assailli par les micros de nos confrères, il a eu un mal fou à se frayer un chemin jusqu’à la PIGNADA, la ferme familiale où sa grand-mère l’attendait pour la traditionnelle soupe de 18h30. Enthousiasmée par l’exploit de sa progéniture, « Lulu » a même dérogé aux principes d’hygiène de vie qu’elle impose au petit-fils : « le mouquirous, il aura doit de faire chabrot ce soir ! »
De notre correspondant, André SALLAFRANQUE