Certains esquissent un sourire amusé, d’autres s’en offusquent ouvertement. C’est peu dire que le fait religieux et l’humour souffrent parfois d’une cohabitation difficile. La plaisanterie à laquelle se sont livrés quatre jeunes bordelais dimanche dernier nous en offre un exemple saisissant.
Soucieux, conformément à l’esprit du pape François, de rapprocher la jeunesse de l’Eglise, Monseigneur RICARD, archevêque de BORDEAUX et BAZAS, avait proposé aux élèves d’une classe de 3e du collège Saint-Joseph de Tivoli d’animer l’office dominical en endossant les blanches aubes d’enfants de chœur pour l’occasion. Parmi eux, quatre plaisantins se sont livrés à un bien improbable forfait.
La supercherie a été découverte au moment de l’eucharistie. Alors que Monseigneur récitait les paroles du Christ devant ses apôtres, « Prenez et buvez en tous, car ceci et mon sang », un fort parfum d’anis, absorbant même l’odeur de l’encens, s’est répandu autour de l’autel et dans les premiers rangs. Les jeunes collégiens avait en effet substitué un pastis de renom (NDLR : en vertu de la loi EVIN, aucune mention ne sera faite, dans cet article, de la marque en question) au traditionnel vin de messe ! Soucieux de ne pas troubler la solennité de l’instant, l’archevêque a fait montre d’un courage remarquable, absorbant cul sec le breuvage pur. La sacristaine, plus morte que vive, s’est exécutée de la même manière.
A la sortie de la cérémonie, les commentaires vont bon train. « Anfiguay, ils ont gavé abusé ! » s’exclame Martin, un élève de terminale présent également. « La dimension sacramentelle s’en est trouvée écornée mais le moment demeura œcuménique et transcendantal » remarque Gérard DUPOUY, historien des religions à l’université Bordeaux III – Michel de Montaigne et fidèle parmi les fidèles. « De toute façon, les jeunes ne respectent plus rien et tout fout le camp ma petite dame » rétorque Serge, garçon de café au Café français, à une cliente qui tentait de prendre la défense des facétieux blagueurs.
Le principal intéressé préfère relativiser : « vous n’êtes pas sans savoir que je suis natif de Marseille. Vous ne pouvez pas vous représenter combien mes camarades ont pu m’asticoter tout au long de mes études et même au séminaire, mais toujours dans un esprit bon enfant. J’imagine que quelqu’un comme Jean-Pierre PERNAUT a dû subir les mêmes plaisanteries. Je ne peux pas en vouloir à ces enfants de Dieu. Et puis, le pardon est au cœur du message chrétien.»
Les potaches ayant pris conscience de la gravité de leur acte, ils ont fait le déplacement jusqu’au presbytère pour s’excuser de vive voix devant l’ecclésiastique. L’un d’eux, Jean-Eudes, se félicite de la qualité de l’entretien et de la miséricorde de Monseigneur : « on avait peur qu’il en fasse une jaunisse ! » Et les quatre larrons de partir dans un éclat de rire interminable.
Incorrigible jeunesse !
De notre envoyé spécial, André SALLAFRANQUE